Paul
Saussez s'est distingué par ses remarquables
travaux sur la crypte de l'église Sainte Marie-Madeleine de
Rennes-le-Château.
Par une étude rigoureuse, il a retracé les travaux et
découvertes
de l'abbé Saunière dans l'église de Rennes. Ce
dernier, lors des multiples remaniements de l'édifice, aurait
mis à
jour une crypte, l'une des plus anciennes de France,
puisqu'elle
daterait du VIe siècle! Une découverte capitale! Cette
crypte abriterait, outre le tombeau des Seigneurs, des reliques exceptionnelles...
Pourrait-elle expliquer le mystère de Rennes-le-Château?
Le résultat de ces recherches est intégralement reproduit dans un CD-Rom intitulé "...au tombeau des Seigneurs", dans lequel l'église est reconstituée en trois dimensions, telle qu'elle était au XVIIIe siècle, mais aussi après les transformations apportées par l'abbé Saunière entre 1891 et 1897. Ce CD est disponible sur la librairie en ligne de France-Spiritualités: http://www.france-spiritualites.com Face à l'engouement suscité par ces révélations, Paul Saussez a volontiers accepté de répondre à nos questions et nous l'en remercions! Comment en êtes-vous venu à vous intéresser au mystère de Rennes-le-Château et plus particulièrement à la crypte de son église ? J’y suis arrivé par un assez long détour. J’ai toujours été passionné par l’Egypte ancienne. C’est sans doute "Le Mystère de la Grande Pyramide" d’Edgar P. Jacobs qui a déclenché cet engouement lorsque j’étais adolescent, mais surtout mon professeur d’histoire au collège, le R.P. Capart, neveu du célèbre égyptologue belge. Plus tard, je me suis intéressé à la Franc-Maçonnerie, dont la symbolique puise largement aux sources de l’antiquité égyptienne. L'étude des origines de cette institution m'a conduit à m’intéresser aux Templiers, ces "Gardiens du Graal". En recherchant ce sujet, j'ai lu "L'énigme sacrée" qui parle de l'abbé Saunière et de Rennes-le-Château. J'étais alors en vacances sur la côte Audoise. Deux heures de route plus tard, je rejoignais la célèbre colline. C'était en 1997. Hélas, déception ! Je m'attendais à trouver une information historique et archéologique sérieuse sur le site et l'église. Je n'y ai trouvé qu'une caisse de résonance pour les mythographies et autres chasses au trésor qui alimentent "l'affaire" de Rennes-le-Château depuis 50 ans. C'est d'autant plus dommage que la région est riche en vestiges romans remarquablement valorisés au plan touristique. J'ai donc commencé à me documenter.
Un livre en particulier a retenu mon attention. C'est "L'héritage
de l'abbé Saunière" par
Claire Corbu et Antoine Captier(1). Les auteurs ont hérité un
registre paroissial du XVIII° siècle qui mentionne des
inhumations "dans l'église de ce lieu, au tombeau
des seigneurs". Une révélation ! Alors que
cette information capitale circule depuis 20 ans, la littérature
castelrennaise la passe sous silence, les visites guidées
sur place n'y fait aucune référence et elle n'a suscité à ce
jour l'intérêt d'aucune autorité scientifique.
Je tenais mon sujet ! On ne sait rien des personnages dont les reliques
ont été emportées
par ces prélats dans le Razès. Quant à citer
Marie-Madeleine, rien n'est moins certain. Le légendaire de
la sainte, dont Christian Doumergue a fait une étude exhaustive
dans son dernier ouvrage(3), gravite encore loin du Razès.
On ignore même à quelle époque -pour autant que
cela puisse constituer un indice- l'église a été dédicacée à Marie-Madeleine.
Les anciennes chartes ne citent que "Beata Maria" ou "Sancta
Maria", sans plus. Je me refuse à croire que la mise à jour d'une nécropole
carolingienne puisse constituer une menace, sauf, peut-être,
pour ceux qui font commerce de spéculations hasardeuses. Au
contraire, cette opération promet les plus intéressantes
retombées dans plusieurs domaines. Les arguments que j'ai
développés me semblent plus que convaincants pour justifier
des fouilles archéologiques. Elles permettraient d'enrichir
nos connaissances sur l'histoire civile et ecclésiastique
du lieu, de valoriser le site aux plans culturel et touristique et
d'éclaircir une fois pour toutes ce sombre "mystère" qui
suscite depuis trop longtemps un intérêt douteux pour
Rennes-le-Château. La phrase rappelle un épisode du Nouveau Testament relaté chez Matthieu, Marc et Luc. Marie-Madeleine s'étant rendue au tombeau de Jésus après la résurrection, un ange lui adressa ces paroles: "…je sais que c'est Jésus, le crucifié, que vous cherchez. Il n'est pas ici…" (Mt 28, 5-6) – "C'est Jésus que vous cherchez, le Nazarénien, le crucifié. Il s'est relevé; il n'est pas ici." (Mc 16, 6) – "Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n'est pas ici…" (Lc 24, 5-6) C'est la thèse, soutenue par plusieurs auteurs, du corps
de Jésus ramené en Gaule par Marie-Madeleine, qui suscite
une lecture subliminale. Mais il s'agit là d'un tout autre
débat. Il persiste pourtant des zones d'ombre dans ces conjectures. Si, au contraire, Marie de Nègre avait bel et bien été enterrée au cimetière de Rennes, et comme sa tombe n'a pas été retrouvée, est-ce parce que l'abbé Saunière l'aurait fait disparaître ? Aurait-il aussi fait disparaître une autre tombe non retrouvée, dont on sait pourtant qu'elle se trouvait "dans le cimetière de la paroisse tout près de la grande croix", celle de Joseph d'Hautpoul, fils de Marie, mort en bas âge en 1739 ? La célèbre épitaphe "CIT GIT NOBLE M..." pose une énigme, puisque la stèle aujourd'hui disparue, comme vous le rappelez justement, a réellement existé. Il est prouvé que l'anagramme "Bergère pas de tentation..." ne résulte pas d'un mélange aléatoire des lettres mais d'un codage extrêmement complexe. Le rédacteur de l'épitaphe, l'abbé Antoine Bigou, y a donc inscrit une intention volontaire et précise. Outre ce premier code à caractère littéraire, la disposition même du texte sur la stèle cache un second code, de nature géométrique, qui suggère l'indication d'un lieu. Comme pour l'anagramme, il faut rejeter tout effet du hasard ou, comme l'a soutenu René Descadeillas(4), la maladresse d'un tailleur de pierre illettré. Si tel avait été le cas, la gravure aurait été immédiatement rejetée par la famille de Marie de Nègre, dont sa fille Elisabeth, âgée de 46 ans et qui vivait encore au château, tant certaines erreurs, surtout le "…requies catin…", étaient injurieuses. Cette stèle insoutenable n'a donc jamais pu exister comme monument funéraire. Ceci conforte l'idée de l'épitaphe codée et, par ailleurs, d'une rédaction largement postérieure à la mort de Marie de Nègre en 1781. Au plus fort des orages de la Révolution, l'abbé Bigou prête serment à la République, mais avec tant de réserves qu'il est déclaré réfractaire. A soixante-dix ans, désormais menacé de déportation, le vieil abbé est un homme traqué. Avant de quitter sa cure en 1790, il songe à coder le secret de son église à l'intention de ses successeurs. Elisabeth de Rennes s'était déjà réfugiée chez sa sœur à Toulouse. Ainsi, Bigou rédige l'épitaphe et fait graver la stèle qu'il abandonnera au cimetière, où elle passera inaperçue. Il suivra en exil son archevêque, Mgr de la Cropte de Chanterac, et partira pour l'Espagne en 1792. Il est fort probable qu'à partir de
là, le secret
de l'église de Rennes se soit transmis au sein du haut clergé.
Mgr de Bonnechose, archevêque de Carcassonne entre 1848 et
1856, appuiera la nomination de son propre vicaire général à ce
siège en 1881: c'était Félix-Arsène Billard.
A son tour, Mgr Billard nommera Bérenger Saunière à la
cure de Rennes en 1885. Il devait savoir qu'un tombeau "intéressant" se
trouvait à Rennes. La découverte de l'abbé Saunière
n’aura donc pas été fortuite(5). Pour le reste, on peut s'attendre à trouver des sarcophages, tombeaux et enfeux ainsi que les dépouilles mortelles elles-mêmes. Saunière aura très probablement remonté une partie de leurs effets personnels, des bijoux, des monnaies, peut-être même des armes, des documents et du mobilier, comme la "Dalle des Chevaliers", que je crois être un panneau de sarcophage. Ce macabre pillage ne doit en rien énerver l'intérêt de la future découverte. Le plus intéressant sera sans doute de cerner l'identité des personnages qui, en l'espace de 1.000 ans, auront élu leur lieu de sépulture au tombeau des Seigneurs. Bérenger Saunière avait en effet songé à vendre
son domaine, aux heures les plus sombres de son procès avec
l'archevêché de Carcassonne. A partir de 1910, comme
en témoignent ses carnets de comptes, ses ressources, mais également
ses débours, avaient diminué de moitié par rapport
aux années 1898 à 1909. Mon explication est que l'abbé Saunière
commissionnait Mgr Billard sur toutes ses opérations. Un pacte
sinistre s'est peut-être scellé entre les deux hommes
au moment de la découverte du tombeau: Billard fermait les
yeux sur le pillage en échange d'une part des revenus du trafic
de messes. C'était dans la nature du personnage. N'oublions
pas que Mgr Billard fut lui-même suspendu “a divinis” pour
sa gestion suspecte des fonds de l’archevêché et
eut à subir plusieurs procès pour simonie et captation
d’héritage. En définitive, je crois que le procès
intenté à l’abbé Saunière par Mgr
Beuvain de Beauséjour n’était qu’une péripétie
dans une enquête beaucoup plus vaste, au sujet de laquelle
les autorités ecclésiastiques sont restées jusqu’à ce
jour très discrètes. 1 Claire Corbu et Antoine Captier "L'héritage de l'abbé Saunière", Bélisane, 1985 2 Voir www.octonovo.org 3 Christian Doumergue "Marie-Madeleine, la Reine oubliée", Lacour, 2004 4 René Descadeillas, "Mythologie du trésor de Rennes", Collot, 1991 (réédition de 1968) 5 Patrick Ferté, "Arsène Lupin, supérieur inconnu", La Maisnie-Trédaniel, 1992 Paul SAUSSEZ Février 2005
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