La tragédie des Cathares
Charly Samson


Au XIème siècle, la France n’existait pas encore. La Loire constituait une frontière de fait qui séparait deux civilisations entièrement différentes.
Au Nord, l’Eglise Catholique avait favorisé la constitution d’un royaume depuis le règne de Clovis. C’était la future France.
Au Sud, la civilisation Gréco-Romaine avait donné naissance à l’Occitanie.
Les peuples du Nord parlaient la langue d’oil. Au Sud, une langue bien formée était parlée depuis la capitale qui était Toulouse, jusqu’à Barcelone : la "langue d’oc".
Par cette différence de langue un habitant du Nord faisait figure d’étranger en Occitanie. Mais la principale différence apparaissait dans l’organisation de la société.
Au nord de la Loire, la féodalité était très puissante et les vertus guerrières ainsi que l’esprit de conquête étaient exaltés. Une hiérarchie rigide appliquait un plan qualifié de divin.
Au Sud, une faible féodalité faisait place à une bourgeoisie importante qui favorisait le commerce des idées autant que des marchandises. La civilisation occitane était très avancée et annonçait déjà la Renaissance. Ses villes constituaient de véritables républiques, où les différences sociales étaient peu marquées dans une ambiance de réelle tolérance. Aucun antisémitisme, comme dans le Nord, car les juifs pratiquaient leur religion et avaient accès aux fonctions publiques. Les femmes administraient leurs biens et participaient à la vie publique alors que partout ailleurs elles étaient considérées comme étant au service des hommes. Les "cours d’amour" et la poésie des troubadours instaurèrent un véritable culte de la femme. Ces qualités humaines et la réputation de richesse de ses terres n’étaient pas les seules originalités de l’Occitanie.
Tandis qu’au Nord, depuis Clovis, le Catholicisme était une religion d’Etat qui avec fermeté imposait ses dogmes et conduisait les dissidents au bûcher, l’Eglise Romaine ne s’était affirmée au Sud qu’au Vème siècle. La religion chrétienne avait été influencée par les particularités des Wisigoths et conservait des traces des dieux celtiques, puis des dieux grecs et romains.

"La civilisation occitane était très avancée et annonçait déjà la Renaissance"

Ce qui causa la perte de l’Occitanie fut son degré de civilisation très avancée par rapport aux mœurs de son temps. Elle affirmait aussi son originalité dans le domaine de la religion. Les "guerriers du nord" en firent des prétextes pour envahir et s’approprier les biens de la vaste région qu’ils appelaient "le Pays de Cocagne".
Le terrain était préparé pour l’adoption d’idées nouvelles qui allaient aboutir à la tragédie des Cathares.

"La vaste région qu’ils appelaient "le pays de Cocagne""

Des milliers d’occitans furent sauvagement massacrés par des pillards qui prétendaient servir la chrétienté. Ces victimes croyaient verser leur sang pour témoigner d’une foi, d’une spiritualité. En fait, leur sacrifice abreuvait la cupidité de nobles et de prélats qui détruisirent une civilisation qu’ils ne pouvaient pas comprendre.
Cette guerre cruelle fut affublée du nom de "croisades", car selon ceux qui la déchaînèrent et en tirèrent grand profit, il s’agissait d’une guerre sainte ( !)… au nom de celui dont le message était : "Aimez-vous les uns les autres."
Le message des Cathares venait de loin dans le temps. Il était né en Perse au VIIème siècle avant Jésus-Christ. Les disciples de Zoroastre, enseignaient que le bien et le mal se partagent l’univers, idée qui fut encore affirmée au IIIème siècle de notre ère par les Manichéens. Pour eux, comme pour les Cathares, le monde matériel était l’œuvre du malin ; ce qui s’opposait à l’ordre établi.
Venues de Perse et de Bulgarie, ces idées se fixèrent dans une grande partie de l’Europe. En 1147 des seigneurs occitans reviennent de la deuxième croisade convertis au catharisme. En 1167, un évêque cathare bulgare, Nikita, préside un concile qui se tient près de Toulouse. Le mouvement religieux, bientôt qualifié d’hérésie, attire de nombreux sympathisants déçus par le comportement de leur clergé et séduits par les valeurs proclamées et vécues par les croyants et le clergé de l’Eglise cathare militante. Celle-ci est composée de "Parfaits et de Parfaites" appréciés et respectés par toute la population. En langue d’oc, "perfeit" a le sens de "ordonné". Il s’agit de ceux qui ont reçu le "consolament", car les femmes aussi exercent le sacerdoce.

"Nous exciterons contre vous prêtres et prélats"

Dès 1167 l’Eglise cathare s’organise en quatre diocèses : Toulouse, Agen, Carcassonne et Albi.
La papauté s’inquiète. Déjà, en Bosnie le catharisme est devenu religion d’état. En 1180 Alexandre III lance l’anathème contre les cathares et ceux qui les protègent et fait prêcher contre eux, mais sans succès, une croisade.
En 1198 un homme intelligent, autoritaire et rusé devient pape à 38 ans sous le nom de Innocent III. Les seigneurs du nord jouent de leur influence auprès du pape et du roi pour qu’une véritable croisade leur permette d’envahir l’Occitanie, qui consciente du danger se prépare à la résistance… Mais que peut faire un peuple pacifique de commerçants, de poètes et de troubadours contre de farouches et valeureux guerriers ?
Cette même année, un moine espagnol, Domingo Guzman, traverse l’Europe et va jusqu’au Danemark en ambassade. Au retour il passe par Citeaux, Lyon et Montpellier où il rencontre l’état-major d’évêques et de cisterciens chargés par Innocent III de mener la lutte contre ce qu’ils appellent "l’hérésie cathare". Un personnage qui va jouer involontairement un rôle primordial est parmi eux : Pierre de Castelnau, archidiacre de l’évêché de Maguelonne, qui est le légat du pape en Languedoc.
Dans un souci d’apaisement, Domingo Guzman organise des conférences contradictoires dans tout le pays cathare où les tournois oratoires sont très prisés. Il obtient peu de conversions. Son tempérament ibérique prend le dessus et il brandit la menace de guerre :
" Nous exciterons contre vous prêtres et prélats, et vous serez réduits en servitude !"
Sainte colère, peut-être, car Domingo Guzman est devenu Saint-Dominique.
La situation s’envenime. Bien que bon catholique, le comte de Toulouse Raymond VI est excommunié parce que coupable, pour le pape, d’avoir toléré la liberté religieuse dans ses états. Toute la population d’Occitanie est consternée car au XIIIème siècle être excommunié est une condamnation très grave qui tend à souiller le sceau de Raymond VI.
Dans cette situation extrêmement tendue, il suffirait de peu pour faire éclater le conflit… Et l’étincelle jaillit en 1208.

"Il brandit une épée et frappe le légat du pape"

Le légat du pape en Languedoc, Pierre de Castelnau, est en route pour Rome dans son luxueux équipage de prélat. Il arrive à Saint-Gilles où il va quitter les terres du Comte de Toulouse pour se trouver en Provence.
Voilà qu’un cavalier surgit. Il brandit une épée et frappe le légat du pape qui s’écroule mortellement atteint. L’action a été très rapide et le cavalier disparaît. Il ne sera pas retrouvé. Qui a armé son bras ? Ce ne sont certainement pas les Languedociens qui ont commandité ce crime…
Mais l’on peut se demander : "A qui profite cet assassinat ? Qui a intérêt à faire éclater le conflit armé ? " Nous pensons aux barons français massés au nord de la Loire… à moins que le rusé pape Innocent III soit bien moins "innocent" que ce que l’indique son nom et qu’il ait trouvé une bonne raison pour accuser de sacrilège le Comte de Toulouse. Il appelle à la Croisade. Pour la première fois une croisade va être entreprise contre un pays chrétien.
Alors, en cette année 1209, c’est une armée que les historiens estiment à vingt-mille chevaliers et à plusieurs dizaines de milliers de fantassins qui se forme en France et déferle sur le Bas-Languedoc.
Au début du mois de juillet 1209, les croisés se répandent dans la plaine de l’Orb, au pied des remparts de Béziers, ville qui ne compte que 222 Parfaits. Mais les Catholiques sont solidaires avec les Cathares et ont l’intention de défendre leur ville.

"Un massacre qui est l’un des plus grands de l’histoire de notre pays"

Un malheureux concours de circonstances dû aux provocations de quelques défenseurs permet aux assaillants de pénétrer par la porte laissée ouverte. Tout se passe très vite et dans les rues c’est affolement, le massacre. Un massacre qui est l’un des plus grands de l’histoire de notre pays. Aux soldats qui lui demandaient comment reconnaître les catholiques des hérétiques, Arnaud Amaury, le nouveau légat du pape, aurait répondu : "Tuez-les tous. Dieu reconnaîtra les siens !" C’est au moins quinze mille personnes qui périrent ce jour-là en l’église de la Madeleine de Béziers. Les croisés fêtent ce qu’ils considèrent comme une "grande victoire" et se donnent pour chef un seigneur de l’Ile-de-France, Simon de Montfort.
Ce stratège au talent exceptionnel est un conquérant cruel et sans scrupule qui va s’approprier les biens des adversaires vaincus au nom de son attachement à l’Eglise catholique. Il serait trop long de citer "les hauts faits d’armes" qui ont valu à ce tortionnaire des lignes d’éloge dans certains manuels d’histoire de France destinés à l’instruction des enfants.
Il fait assassiner dans son cachot le jeune vicomte Raymond-Roger Trencavel qui s’est rendu pour éviter à Carcassonne le sort de Béziers. En 1210 il fait couper les lèvres et le nez, puis arracher les yeux des cents défenseurs de la petite ville de Brams, laissant un œil à l’un des vaincus pour qu’il serve de guide aux autres afin d’impressionner les populations. A Minerve il allume le premier grand bûcher sur lequel périssent 140 personnes. C’est à la tête de croisés allemands qu’il attaque Lavaur où il fait pendre ou égorger quatre-vingt chevaliers occitans, livrant ensuite la châtelaine, dame Giralda à ses "vaillants soldats" qui la violent puis la jettent vivante dans un puits qu’ils comblent avec des pierres jusqu’à ce qu’elle cesse de crier. Lavaur est le lieu du plus important bûcher de la croisade ; 400 personnes périssent dans les flammes. La lutte très inégale se poursuit dans tout le Midi. A Muret, en 1213, Simon de Montfort inflige une défaite aux armées de Raymond VI et de son allié, le roi Pierre II d’Aragon qui est tué dans la bataille. C’est au mois de mai 1215 qu’il s’empare de Toulouse où il fait son entrée avec le dauphin de France, le futur Louis IX.

"Lavaur est le lieu du plus important bûcher : 400 personnes y périssent"

En 1216 le Comte Raymond VI et son fils battent sévèrement les croisés à Beaucaire et rentrent triomphalement à Toulouse l’année suivante. Mais Simon de Montfort veut reprendre la capitale de l’Occitanie. Tous les habitants défendent leur ville, cathares ou pas, et les femmes sont aussi sur les remparts. Sous ces murs, le terrible Montfort est face à ces toulousaines qui envoient des boulets sur ses troupes. C’est de l’une de leurs catapultes que part un boulet qui atteint Simon de Montfort et lui fait éclater la tête. Le Midi semble libéré ; mais il est ruiné.

"Louis VIII, puis sa veuve Blanche de Castille sont assoiffés de désir de richesse"

La royauté française, qui a manifesté sa sympathie pour "la croisade", constitue une nouvelle menace. Louis VIII, puis sa veuve, Blanche de Castille, sont assoiffés de désirs de richesse, de pouvoir et d’hégémonie.
En 1226, Louis IX monte sur le trône. Il règnera jusqu’en 1270 puis sera canonisé en 1297 sous le nom de Saint-Louis. Sa célèbre justice sera appliquée impitoyablement en Occitanie par l’intermédiaire de l’inquisition et de Saint-Dominique qui en devient le responsable par la grâce du pape Grégoire IX en 1233.
Voilà deux "saints" qui ont su faire régner l’enfer sur terre…

J’ai relevé une "coïncidence" bizarre sous le signe du nombre NEUF.
- Le roi de France est Louis IX
- Le pape, Grégoire IX
- Nous sommes en 1233 dont le total = 9
- Saint-Dominique a 63 ans : 6 + 3= 9
et pour clore cette série, lorsque j’ai numéroté les diapositives que je projette lors de ma conférence sur ce sujet, j’ai constaté que celle que je présente en parlant de ces "coïncidences" est la cinquante quatrième : 5 + 4 = 9 !…
En numérologie, NEUF, dernier chiffre des unités, annonce à la fois une fin et un commencement ; c’est-à-dire la transposition sur un nouveau plan. Dernier des nombres de l’univers manifesté, il ouvre la phase des transmutations. Nous le trouvons dans l’Ermite du tarot. Ce nombre indique l’achèvement d’un cycle, la fin d’une course…
Pour les Cathares, la prise du "pouvoir" par l’inquisition marque "la fin d’une course" et "l’achèvement d’un cycle".
Déjà, chez les Aztèques, le neuf correspondait aux choses nocturnes et infernales. Mais ce nombre est aussi un lien, un triangle où chaque monde est symbolisé par un chiffre ternaire : ciel, terre, enfer. Neuf, c’est la totalité des trois mondes. S’il est l’un des nombres des sphères célestes, il est aussi, symétriquement, celui des cercles infernaux.
Ciel et enfer réunis. Deux saints ont créé l’enfer et ses flammes sur notre terre.

"Les morts sont sortis de leur sépulture pour être brûlés"

Après le NEUF, ce sera le DIX qui symbolise un tournant, un changement de direction, avec le passage des unités aux dizaines.
Les bûchers ont marqué ce tournant, ce changement de direction et de civilisation dont la terre d’Occitanie subit encore aujourd’hui les conséquences.
A partir de 1233, les tribunaux de l’inquisition se multiplient, les condamnations sont de plus en plus nombreuses et les bûchers sont l’aboutissement des pouvoirs policiers et judiciaires sans limite. Personne n’est à l’abri, même pas les morts qui parfois sont sortis de leur sépulture pour être brûlés, s’ils sont soupçonnés d’hérésie. Les inquisiteurs pratiquent la torture et leurs victimes n’ont pas le droit de se rétracter. Ces bourreaux s’appelaient eux-même "Domenicane", c’est-à-dire "les chiens de Dieu" ; fiers de former une meute spécialisée dans la chasse à l’homme. Ils sont partout et les seigneurs, qui souvent sont restés catholiques par nécessité les ont à leur côté en toute occasion. Cependant l’information circule grâce aux troubadours qui assurent le rayonnement de la culture occitane dans toute l’Europe : informations secrètes, spirituelles, mais aussi militaires.
Et la résistance s’organise et se développe. A Cordes trois inquisiteurs sont jetés dans un puits. A Toulouse ils sont chassés de la ville ainsi que tous les dominicains et même l’évêque catholique. En 1242, à Avignonnet, onze inquisiteurs sont massacrés. Cet exploit est salué dans toute l’Occitanie et le curé catholique fait lui-même sonner les cloches en l’honneur des héros qui l’ont accompli.
Mais la haine engendre la haine et la répression se renforce dans une lutte inégale. Les Cathares se réfugient dans des châteaux réputés imprenables dont celui de Montségur perché à mille deux cents mètres d’altitude. Cette citadelle est surtout un véritable temple qui à partir de 1240 abrite une communauté d’environ cinq cents personnes qui sont ravitaillées par la population de la région. Elles ont parmi elles une trentaine de parfaits et de parfaites avec, à leur tête, Bertrand Marti, l’évêque cathare de Toulouse.

"215 personnes montèrent de leur plein gré sur le bûcher"

Mais l’Eglise de Rome et la Reine Blanche de Castille ne tolèrent pas ce "nid d’hérétiques" et en 1243 une armée de plus de 10.000 hommes assiège le château de Montségur.
Ce siège, le plus long de la croisade, dura dix mois. Au mois de mars 1244, les vivres et l’eau venant à manquer, les assiégés durent se rendre. Les croisés leur promirent la vie sauve s’ils abjuraient la foi cathare. La réponse fut unanime : "Plutôt mourir qu’abjurer !"
La veille de la reddition, dans la nuit, quatre parfaits descendirent par des cordes le long de la paroi rocheuse et parvinrent à mettre à l’abri des ennemis ce que la tradition nomme "le trésor des cathares". Puis ce fut la capitulation et le fantastique bûcher au pied de la montagne.
Deux cent quinze personnes montèrent de leur plein gré sur le bûcher. Peu de temps après, elles étaient toutes réduites en cendres. Sur ce lieu, qui s’appelle aujourd’hui "le Prat dels cremats", le champ des brûlés, une stèle perpétue le souvenir de cet effroyable supplice.
Quant au "trésor", sa trace fut officiellement perdue… Depuis on a beaucoup parlé, on parle encore et on parlera longtemps de ce fameux secret qui accompagnait "le trésor des Cathares"… Quelle est la nature de ce trésor ? Quels sont les secrets qui ont été sauvegardés à Montségur ? Les Cathares ont-ils possédés la formule de ce qu’ils appelaient "la substance divine", une énergie puissante et mystérieuse ? Ont-ils possédé le secret de la réincarnation avec la manière de faire évoluer la personnalité au-delà de la mort ?
Ce qui me paraît particulièrement troublant, c’est leur mépris de la mort. Un mépris qui leur a permis de former des farandoles et de se jeter en groupe dans les flammes des bûchers. Ils s’y jetaient comme s’ils étaient certains de ne pas ressentir la souffrance physique. Eux qui méprisaient la matière, étaient-ils déjà "absents de leur corps" lorsqu’ils le jetaient dans les flammes ?
Hypothèses, légendes ou réalités ?

"Quant au trésor, sa trace fut officiellement perdue…"

Tous les châteaux abritèrent les Cathares et leurs sympathisants. Tous ont connu un sort tragique. Aujourd’hui on les qualifie du nom de "Châteaux cathares". Parfois reconstruits après la croisade, ils ont eu à subir des destructions au cours d’époques troublées par des guerres de religion (encore!) ou par la révolution française.
Il serait trop long de les présenter tous.
Citons le château de Puylaurens qui ne se rendit qu’en 1255, onze ans après Montségur, et qui devint un fort royal, puis une prison d’état, avant de sombrer dans l’oubli. Son seigneur était venu continuer le combat après avoir été contraint en 1240 d’abandonner sa vaste forteresse de Peyrepertuse à Simon de Montfort. Louis IX fit renforcer cette forteresse devenue royale qui ne sera abandonnée que lors de la révolution en 1789. Alors, les villages voisins vinrent utiliser les pierres de Peyrepertuse pour construire leurs maisons.
Très proche, c’est le château de Quéribus, dernier bastion de la résistance cathare qui ne fut conquis qu’en 1256. Cette forteresse bâtie sur un a-pic vertigineux fut l’œuvre des Wisigoths au cinquième siècle après avoir constitué un oppidum gallo-celtique. On peut y voir encore des vestiges architecturaux des IXème, XIème, XIIème et XIIIème siècles. Le lieu passa des Cathares à Louis IX, puis aux espagnols et enfin à François 1er qui le fortifia.

"Ce crime a changé le destin de l’Europe"

Un château, parmi beaucoup d’autres, est à remarquer, car assez différent des autres. Alors que les châteaux du Moyen-Age étaient des forteresses, celui de Puivert était le temple de la poésie, de la musique et des chansons. Il fut le fief des troubadours au XIIème siècle, le témoin de grandes joutes oratoires et la capitale des "cours d’amour". Le farouche Simon de Montfort ne mit que trois jours pour le conquérir. Au XIVème siècle, le château fut agrandi et prit l’aspect qu’il a aujourd’hui. Il est la transition entre le château du Moyen-Age et le château de la Renaissance et constitue un symbole de la brillante civilisation du Languedoc et de la domination française sur l’Occitanie.
Pendant la reconstruction de Puivert, la croisade se terminait dans les fumées des ultimes bûchers. Cependant un dernier parfait ose encore prêcher le catharisme. Il est brûlé à Villerouge, près de Narbonne, en 1321. Il s’appelait Guilhem Belibaste.
Alors un voile tombe sur l’Occitanie. C’est comme si des murailles en ruines se dressaient entre ces occitans et leurs descendants qui ne peuvent retrouver leurs racines qu’à travers quelques brèches entr’ouvertes.
Une civilisation vient de mourir qui aurait pu être la notre. Ce crime a certainement changé le destin de l’Europe et du bassin méditerranéen.
Il en reste des ruines qui se dressent un peu partout en Occitanie, des silhouettes de pierres émergeant tristement de la brume pour nous rappeler leur glorieux passé.
Il en reste une culture, celle de nos racines qu’il est toujours bon de retrouver, surtout lorsque tout a été mis en œuvre pour l’occulter.

"En Occitanie, les mots Liberté, Egalité, Fraternité et Tolérance étaient vécus avant la proclamation des droits de l’homme"

Aujourd’hui, lors de la fête nationale du 14 juillet, le drapeau de la France se marie en Languedoc sur les façades des mairies avec les couleurs de l’Occitanie dont notre pays a finalement adopté les valeurs.
En Occitanie les mots Liberté, Egalité, Fraternité, et Tolérance étaient vécus dans les lois, dans les faits, dans le quotidien, longtemps avant la proclamation des "Droits de l’Homme".

A notre époque où la violence et la folie humaine ont encore régné chez nous il y a un demi-siècle, règnent en de nombreux points du globe, nous guettent sournoisement et risquent de réapparaître brutalement,
A notre époque où les prétextes idéologiques et religieux masquent toujours la cupidité et la soif de richesses, de puissance et de fausse gloire,
A notre époque enfin où les moyens techniques qui pourraient nous aider à mieux vivre sont prêts à détruire la vie sur toute la planète, s’il est bon de regarder vers l’avenir, il peut être meilleur encore de tirer les leçons du passé, de mieux le connaître, pour mieux bâtir cet avenir.
Les générations qui vont nous succéder dépendent de nous. Elles nous supplient de prêcher, comme le firent les troubadours, le culte du respect de l’autre, le culte de la paix, le culte de l’amour.



Charly Samson



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