Au XIème siècle, la France n’existait pas encore.
La Loire constituait une frontière de fait qui séparait
deux civilisations entièrement différentes.
Au Nord, l’Eglise Catholique avait favorisé la constitution
d’un royaume depuis le règne de Clovis. C’était
la future France.
Au Sud, la civilisation Gréco-Romaine avait donné naissance à l’Occitanie.
Les peuples du Nord parlaient la langue d’oil. Au Sud, une langue
bien formée était parlée depuis la capitale qui était
Toulouse, jusqu’à Barcelone : la "langue d’oc".
Par cette différence de langue un habitant du Nord faisait figure
d’étranger en Occitanie. Mais la principale différence
apparaissait dans l’organisation de la société.
Au nord de la Loire, la féodalité était très
puissante et les vertus guerrières ainsi que l’esprit
de conquête étaient exaltés. Une hiérarchie
rigide appliquait un plan qualifié de divin.
Au Sud, une faible féodalité faisait place à une
bourgeoisie importante qui favorisait le commerce des idées
autant que des marchandises. La civilisation occitane était
très avancée et annonçait déjà la
Renaissance. Ses villes constituaient de véritables républiques,
où les différences sociales étaient peu marquées
dans une ambiance de réelle tolérance. Aucun antisémitisme,
comme dans le Nord, car les juifs pratiquaient leur religion et avaient
accès aux fonctions publiques. Les femmes administraient leurs
biens et participaient à la vie publique alors que partout ailleurs
elles étaient considérées comme étant au
service des hommes. Les "cours d’amour" et la poésie
des troubadours instaurèrent un véritable culte de la
femme. Ces qualités humaines et la réputation de richesse
de ses terres n’étaient pas les seules originalités
de l’Occitanie.
Tandis qu’au Nord, depuis Clovis, le Catholicisme était
une religion d’Etat qui avec fermeté imposait ses dogmes
et conduisait les dissidents au bûcher, l’Eglise Romaine
ne s’était affirmée au Sud qu’au Vème
siècle. La religion chrétienne avait été influencée
par les particularités des Wisigoths et conservait des traces
des dieux celtiques, puis des dieux grecs et romains.
"La civilisation occitane était très avancée
et annonçait déjà la Renaissance"
Ce qui causa la perte de l’Occitanie fut son degré de
civilisation très avancée par rapport aux mœurs
de son temps. Elle affirmait aussi son originalité dans le
domaine de la religion. Les "guerriers du nord" en firent
des prétextes pour envahir et s’approprier les biens
de la vaste région qu’ils appelaient "le Pays de
Cocagne".
Le terrain était préparé pour l’adoption
d’idées nouvelles qui allaient aboutir à la tragédie
des Cathares.
"La vaste région qu’ils appelaient "le pays
de Cocagne""
Des milliers d’occitans furent sauvagement massacrés
par des pillards qui prétendaient servir la chrétienté.
Ces victimes croyaient verser leur sang pour témoigner d’une
foi, d’une spiritualité. En fait, leur sacrifice abreuvait
la cupidité de nobles et de prélats qui détruisirent
une civilisation qu’ils ne pouvaient pas comprendre.
Cette guerre cruelle fut affublée du nom de "croisades",
car selon ceux qui la déchaînèrent et en tirèrent
grand profit, il s’agissait d’une guerre sainte ( !)… au
nom de celui dont le message était : "Aimez-vous les
uns les autres."
Le message des Cathares venait de loin dans le temps. Il était
né en Perse au VIIème siècle avant Jésus-Christ.
Les disciples de Zoroastre, enseignaient que le bien et le mal se
partagent l’univers, idée qui fut encore affirmée
au IIIème siècle de notre ère par les Manichéens.
Pour eux, comme pour les Cathares, le monde matériel était
l’œuvre du malin ; ce qui s’opposait à l’ordre établi.
Venues de Perse et de Bulgarie, ces idées se fixèrent
dans une grande partie de l’Europe. En 1147 des seigneurs occitans
reviennent de la deuxième croisade convertis au catharisme.
En 1167, un évêque cathare bulgare, Nikita, préside
un concile qui se tient près de Toulouse. Le mouvement religieux,
bientôt qualifié d’hérésie, attire
de nombreux sympathisants déçus par le comportement
de leur clergé et séduits par les valeurs proclamées
et vécues par les croyants et le clergé de l’Eglise
cathare militante. Celle-ci est composée de "Parfaits
et de Parfaites" appréciés et respectés
par toute la population. En langue d’oc, "perfeit" a
le sens de "ordonné". Il s’agit de ceux qui
ont reçu le "consolament", car les femmes aussi
exercent le sacerdoce.
"Nous exciterons contre vous prêtres et prélats"
Dès 1167 l’Eglise cathare s’organise en quatre
diocèses : Toulouse, Agen, Carcassonne et Albi.
La papauté s’inquiète. Déjà, en
Bosnie le catharisme est devenu religion d’état. En
1180 Alexandre III lance l’anathème contre les cathares
et ceux qui les protègent et fait prêcher contre eux,
mais sans succès, une croisade.
En 1198 un homme intelligent, autoritaire et rusé devient
pape à 38 ans sous le nom de Innocent III. Les seigneurs du
nord jouent de leur influence auprès du pape et du roi pour
qu’une véritable croisade leur permette d’envahir
l’Occitanie, qui consciente du danger se prépare à la
résistance… Mais que peut faire un peuple pacifique
de commerçants, de poètes et de troubadours contre
de farouches et valeureux guerriers ?
Cette même année, un moine espagnol, Domingo Guzman,
traverse l’Europe et va jusqu’au Danemark en ambassade.
Au retour il passe par Citeaux, Lyon et Montpellier où il
rencontre l’état-major d’évêques
et de cisterciens chargés par Innocent III de mener la lutte
contre ce qu’ils appellent "l’hérésie
cathare". Un personnage qui va jouer involontairement un rôle
primordial est parmi eux : Pierre de Castelnau, archidiacre de l’évêché de
Maguelonne, qui est le légat du pape en Languedoc.
Dans un souci d’apaisement, Domingo Guzman organise des conférences
contradictoires dans tout le pays cathare où les tournois
oratoires sont très prisés. Il obtient peu de conversions.
Son tempérament ibérique prend le dessus et il brandit
la menace de guerre :
"
Nous exciterons contre vous prêtres et prélats, et vous
serez réduits en servitude !"
Sainte colère, peut-être, car Domingo Guzman est devenu
Saint-Dominique.
La situation s’envenime. Bien que bon catholique, le comte
de Toulouse Raymond VI est excommunié parce que coupable,
pour le pape, d’avoir toléré la liberté religieuse
dans ses états. Toute la population d’Occitanie est
consternée car au XIIIème siècle être
excommunié est une condamnation très grave qui tend à souiller
le sceau de Raymond VI.
Dans cette situation extrêmement tendue, il suffirait de peu
pour faire éclater le conflit… Et l’étincelle
jaillit en 1208.
"Il brandit une épée et frappe le légat
du pape"
Le légat du pape en Languedoc, Pierre de Castelnau, est en
route pour Rome dans son luxueux équipage de prélat.
Il arrive à Saint-Gilles où il va quitter les terres
du Comte de Toulouse pour se trouver en Provence.
Voilà qu’un cavalier surgit. Il brandit une épée
et frappe le légat du pape qui s’écroule mortellement
atteint. L’action a été très rapide et
le cavalier disparaît. Il ne sera pas retrouvé. Qui
a armé son bras ? Ce ne sont certainement pas les Languedociens
qui ont commandité ce crime…
Mais l’on peut se demander : "A qui profite cet assassinat
? Qui a intérêt à faire éclater le conflit
armé ? " Nous pensons aux barons français massés
au nord de la Loire… à moins que le rusé pape
Innocent III soit bien moins "innocent" que ce que l’indique
son nom et qu’il ait trouvé une bonne raison pour accuser
de sacrilège le Comte de Toulouse. Il appelle à la
Croisade. Pour la première fois une croisade va être
entreprise contre un pays chrétien.
Alors, en cette année 1209, c’est une armée que
les historiens estiment à vingt-mille chevaliers et à plusieurs
dizaines de milliers de fantassins qui se forme en France et déferle
sur le Bas-Languedoc.
Au début du mois de juillet 1209, les croisés se répandent
dans la plaine de l’Orb, au pied des remparts de Béziers,
ville qui ne compte que 222 Parfaits. Mais les Catholiques sont solidaires
avec les Cathares et ont l’intention de défendre leur
ville.
"Un massacre qui est l’un des plus grands de l’histoire
de notre pays"
Un malheureux concours de circonstances dû aux provocations
de quelques défenseurs permet aux assaillants de pénétrer
par la porte laissée ouverte. Tout se passe très vite
et dans les rues c’est affolement, le massacre. Un massacre
qui est l’un des plus grands de l’histoire de notre pays.
Aux soldats qui lui demandaient comment reconnaître les catholiques
des hérétiques, Arnaud Amaury, le nouveau légat
du pape, aurait répondu : "Tuez-les tous. Dieu reconnaîtra
les siens !" C’est au moins quinze mille personnes qui
périrent ce jour-là en l’église de la
Madeleine de Béziers. Les croisés fêtent ce qu’ils
considèrent comme une "grande victoire" et se donnent
pour chef un seigneur de l’Ile-de-France, Simon de Montfort.
Ce stratège au talent exceptionnel est un conquérant
cruel et sans scrupule qui va s’approprier les biens des adversaires
vaincus au nom de son attachement à l’Eglise catholique.
Il serait trop long de citer "les hauts faits d’armes" qui
ont valu à ce tortionnaire des lignes d’éloge
dans certains manuels d’histoire de France destinés à l’instruction
des enfants.
Il fait assassiner dans son cachot le jeune vicomte Raymond-Roger
Trencavel qui s’est rendu pour éviter à Carcassonne
le sort de Béziers. En 1210 il fait couper les lèvres
et le nez, puis arracher les yeux des cents défenseurs de
la petite ville de Brams, laissant un œil à l’un
des vaincus pour qu’il serve de guide aux autres afin d’impressionner
les populations. A Minerve il allume le premier grand bûcher
sur lequel périssent 140 personnes. C’est à la
tête de croisés allemands qu’il attaque Lavaur
où il fait pendre ou égorger quatre-vingt chevaliers
occitans, livrant ensuite la châtelaine, dame Giralda à ses "vaillants
soldats" qui la violent puis la jettent vivante dans un puits
qu’ils comblent avec des pierres jusqu’à ce qu’elle
cesse de crier. Lavaur est le lieu du plus important bûcher
de la croisade ; 400 personnes périssent dans les flammes.
La lutte très inégale se poursuit dans tout le Midi.
A Muret, en 1213, Simon de Montfort inflige une défaite aux
armées de Raymond VI et de son allié, le roi Pierre
II d’Aragon qui est tué dans la bataille. C’est
au mois de mai 1215 qu’il s’empare de Toulouse où il
fait son entrée avec le dauphin de France, le futur Louis
IX.
"Lavaur est le lieu du plus important bûcher : 400 personnes
y périssent"
En 1216 le Comte Raymond VI et son fils battent sévèrement
les croisés à Beaucaire et rentrent triomphalement à Toulouse
l’année suivante. Mais Simon de Montfort veut reprendre
la capitale de l’Occitanie. Tous les habitants défendent
leur ville, cathares ou pas, et les femmes sont aussi sur les remparts.
Sous ces murs, le terrible Montfort est face à ces toulousaines
qui envoient des boulets sur ses troupes. C’est de l’une
de leurs catapultes que part un boulet qui atteint Simon de Montfort
et lui fait éclater la tête. Le Midi semble libéré ;
mais il est ruiné.
"Louis VIII, puis sa veuve Blanche de Castille sont assoiffés
de désir de richesse"
La royauté française, qui a manifesté sa sympathie
pour "la croisade", constitue une nouvelle menace. Louis
VIII, puis sa veuve, Blanche de Castille, sont assoiffés de
désirs de richesse, de pouvoir et d’hégémonie.
En 1226, Louis IX monte sur le trône. Il règnera jusqu’en
1270 puis sera canonisé en 1297 sous le nom de Saint-Louis.
Sa célèbre justice sera appliquée impitoyablement
en Occitanie par l’intermédiaire de l’inquisition
et de Saint-Dominique qui en devient le responsable par la grâce
du pape Grégoire IX en 1233.
Voilà deux "saints" qui ont su faire régner
l’enfer sur terre…
J’ai relevé une "coïncidence" bizarre
sous le signe du nombre NEUF.
- Le roi de France est Louis IX
- Le pape, Grégoire IX
- Nous sommes en 1233 dont le total = 9
- Saint-Dominique a 63 ans : 6 + 3= 9
et pour clore cette série, lorsque j’ai numéroté les
diapositives que je projette lors de ma conférence sur ce
sujet, j’ai constaté que celle que je présente
en parlant de ces "coïncidences" est la cinquante
quatrième : 5 + 4 = 9 !…
En numérologie, NEUF, dernier chiffre des unités, annonce à la
fois une fin et un commencement ; c’est-à-dire la transposition
sur un nouveau plan. Dernier des nombres de l’univers manifesté,
il ouvre la phase des transmutations. Nous le trouvons dans l’Ermite
du tarot. Ce nombre indique l’achèvement d’un
cycle, la fin d’une course…
Pour les Cathares, la prise du "pouvoir" par l’inquisition
marque "la fin d’une course" et "l’achèvement
d’un cycle".
Déjà, chez les Aztèques, le neuf correspondait
aux choses nocturnes et infernales. Mais ce nombre est aussi un lien,
un triangle où chaque monde est symbolisé par un chiffre
ternaire : ciel, terre, enfer. Neuf, c’est la totalité des
trois mondes. S’il est l’un des nombres des sphères
célestes, il est aussi, symétriquement, celui des cercles
infernaux.
Ciel et enfer réunis. Deux saints ont créé l’enfer
et ses flammes sur notre terre.
"Les morts sont sortis de leur sépulture pour être
brûlés"
Après le NEUF, ce sera le DIX qui symbolise un tournant,
un changement de direction, avec le passage des unités aux
dizaines.
Les bûchers ont marqué ce tournant, ce changement de
direction et de civilisation dont la terre d’Occitanie subit
encore aujourd’hui les conséquences.
A partir de 1233, les tribunaux de l’inquisition se multiplient,
les condamnations sont de plus en plus nombreuses et les bûchers
sont l’aboutissement des pouvoirs policiers et judiciaires
sans limite. Personne n’est à l’abri, même
pas les morts qui parfois sont sortis de leur sépulture pour être
brûlés, s’ils sont soupçonnés d’hérésie.
Les inquisiteurs pratiquent la torture et leurs victimes n’ont
pas le droit de se rétracter. Ces bourreaux s’appelaient
eux-même "Domenicane", c’est-à-dire "les
chiens de Dieu" ; fiers de former une meute spécialisée
dans la chasse à l’homme. Ils sont partout et les seigneurs,
qui souvent sont restés catholiques par nécessité les
ont à leur côté en toute occasion. Cependant
l’information circule grâce aux troubadours qui assurent
le rayonnement de la culture occitane dans toute l’Europe :
informations secrètes, spirituelles, mais aussi militaires.
Et la résistance s’organise et se développe.
A Cordes trois inquisiteurs sont jetés dans un puits. A Toulouse
ils sont chassés de la ville ainsi que tous les dominicains
et même l’évêque catholique. En 1242, à Avignonnet,
onze inquisiteurs sont massacrés. Cet exploit est salué dans
toute l’Occitanie et le curé catholique fait lui-même
sonner les cloches en l’honneur des héros qui l’ont
accompli.
Mais la haine engendre la haine et la répression se renforce
dans une lutte inégale. Les Cathares se réfugient dans
des châteaux réputés imprenables dont celui de
Montségur perché à mille deux cents mètres
d’altitude. Cette citadelle est surtout un véritable
temple qui à partir de 1240 abrite une communauté d’environ
cinq cents personnes qui sont ravitaillées par la population
de la région. Elles ont parmi elles une trentaine de parfaits
et de parfaites avec, à leur tête, Bertrand Marti, l’évêque
cathare de Toulouse.
"215 personnes montèrent de leur plein gré sur
le bûcher"
Mais l’Eglise de Rome et la Reine Blanche de Castille ne tolèrent
pas ce "nid d’hérétiques" et en 1243
une armée de plus de 10.000 hommes assiège le château
de Montségur.
Ce siège, le plus long de la croisade, dura dix mois. Au mois
de mars 1244, les vivres et l’eau venant à manquer,
les assiégés durent se rendre. Les croisés leur
promirent la vie sauve s’ils abjuraient la foi cathare. La
réponse fut unanime : "Plutôt mourir qu’abjurer
!"
La veille de la reddition, dans la nuit, quatre parfaits descendirent
par des cordes le long de la paroi rocheuse et parvinrent à mettre à l’abri
des ennemis ce que la tradition nomme "le trésor des
cathares". Puis ce fut la capitulation et le fantastique bûcher
au pied de la montagne.
Deux cent quinze personnes montèrent de leur plein gré sur
le bûcher. Peu de temps après, elles étaient
toutes réduites en cendres. Sur ce lieu, qui s’appelle
aujourd’hui "le Prat dels cremats", le champ des
brûlés, une stèle perpétue le souvenir
de cet effroyable supplice.
Quant au "trésor", sa trace fut officiellement perdue… Depuis
on a beaucoup parlé, on parle encore et on parlera longtemps
de ce fameux secret qui accompagnait "le trésor des Cathares"… Quelle
est la nature de ce trésor ? Quels sont les secrets qui ont été sauvegardés à Montségur
? Les Cathares ont-ils possédés la formule de ce qu’ils
appelaient "la substance divine", une énergie puissante
et mystérieuse ? Ont-ils possédé le secret de
la réincarnation avec la manière de faire évoluer
la personnalité au-delà de la mort ?
Ce qui me paraît particulièrement troublant, c’est
leur mépris de la mort. Un mépris qui leur a permis
de former des farandoles et de se jeter en groupe dans les flammes
des bûchers. Ils s’y jetaient comme s’ils étaient
certains de ne pas ressentir la souffrance physique. Eux qui méprisaient
la matière, étaient-ils déjà "absents
de leur corps" lorsqu’ils le jetaient dans les flammes
?
Hypothèses, légendes ou réalités ?
"Quant au trésor, sa trace fut officiellement perdue…"
Tous les châteaux abritèrent les Cathares et leurs
sympathisants. Tous ont connu un sort tragique. Aujourd’hui
on les qualifie du nom de "Châteaux cathares". Parfois
reconstruits après la croisade, ils ont eu à subir
des destructions au cours d’époques troublées
par des guerres de religion (encore!) ou par la révolution
française.
Il serait trop long de les présenter tous.
Citons le château de Puylaurens qui ne se rendit qu’en
1255, onze ans après Montségur, et qui devint un fort
royal, puis une prison d’état, avant de sombrer dans
l’oubli. Son seigneur était venu continuer le combat
après avoir été contraint en 1240 d’abandonner
sa vaste forteresse de Peyrepertuse à Simon de Montfort. Louis
IX fit renforcer cette forteresse devenue royale qui ne sera abandonnée
que lors de la révolution en 1789. Alors, les villages voisins
vinrent utiliser les pierres de Peyrepertuse pour construire leurs
maisons.
Très proche, c’est le château de Quéribus,
dernier bastion de la résistance cathare qui ne fut conquis
qu’en 1256. Cette forteresse bâtie sur un a-pic vertigineux
fut l’œuvre des Wisigoths au cinquième siècle
après avoir constitué un oppidum gallo-celtique. On
peut y voir encore des vestiges architecturaux des IXème,
XIème, XIIème et XIIIème siècles. Le
lieu passa des Cathares à Louis IX, puis aux espagnols et
enfin à François 1er qui le fortifia.
"Ce crime a changé le destin de l’Europe"
Un château, parmi beaucoup d’autres, est à remarquer,
car assez différent des autres. Alors que les châteaux
du Moyen-Age étaient des forteresses, celui de Puivert était
le temple de la poésie, de la musique et des chansons. Il
fut le fief des troubadours au XIIème siècle, le témoin
de grandes joutes oratoires et la capitale des "cours d’amour".
Le farouche Simon de Montfort ne mit que trois jours pour le conquérir.
Au XIVème siècle, le château fut agrandi et prit
l’aspect qu’il a aujourd’hui. Il est la transition
entre le château du Moyen-Age et le château de la Renaissance
et constitue un symbole de la brillante civilisation du Languedoc
et de la domination française sur l’Occitanie.
Pendant la reconstruction de Puivert, la croisade se terminait dans
les fumées des ultimes bûchers. Cependant un dernier
parfait ose encore prêcher le catharisme. Il est brûlé à Villerouge,
près de Narbonne, en 1321. Il s’appelait Guilhem Belibaste.
Alors un voile tombe sur l’Occitanie. C’est comme si
des murailles en ruines se dressaient entre ces occitans et leurs
descendants qui ne peuvent retrouver leurs racines qu’à travers
quelques brèches entr’ouvertes.
Une civilisation vient de mourir qui aurait pu être la notre.
Ce crime a certainement changé le destin de l’Europe
et du bassin méditerranéen.
Il en reste des ruines qui se dressent un peu partout en Occitanie,
des silhouettes de pierres émergeant tristement de la brume
pour nous rappeler leur glorieux passé.
Il en reste une culture, celle de nos racines qu’il est toujours
bon de retrouver, surtout lorsque tout a été mis en œuvre
pour l’occulter.
"En Occitanie, les mots Liberté, Egalité, Fraternité et
Tolérance étaient vécus avant la proclamation
des droits de l’homme"
Aujourd’hui, lors de la fête nationale du 14 juillet,
le drapeau de la France se marie en Languedoc sur les façades
des mairies avec les couleurs de l’Occitanie dont notre pays
a finalement adopté les valeurs.
En Occitanie les mots Liberté, Egalité, Fraternité,
et Tolérance étaient vécus dans les lois, dans
les faits, dans le quotidien, longtemps avant la proclamation des "Droits
de l’Homme".
A notre époque où la violence et la folie humaine
ont encore régné chez nous il y a un demi-siècle,
règnent en de nombreux points du globe, nous guettent sournoisement
et risquent de réapparaître brutalement,
A notre époque où les prétextes idéologiques
et religieux masquent toujours la cupidité et la soif de richesses,
de puissance et de fausse gloire,
A notre époque enfin où les moyens techniques qui pourraient
nous aider à mieux vivre sont prêts à détruire
la vie sur toute la planète, s’il est bon de regarder
vers l’avenir, il peut être meilleur encore de tirer
les leçons du passé, de mieux le connaître, pour
mieux bâtir cet avenir.
Les générations qui vont nous succéder dépendent
de nous. Elles nous supplient de prêcher, comme le firent les
troubadours, le culte du respect de l’autre, le culte de la
paix, le culte de l’amour.
Charly
Samson
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