Rennes-le-Château, ses légendes, son mystère : Gaillon, clé secrète du triangle d'or?
Gaillon, clé secrète
du triangle d'or?


La première porte

Gravure du château de Gaillon en 1658 d'Israel Sylvestre A l’heure où l’on s’apprête à fêter le centième anniversaire de la naissance d’Arsène Lupin, l’œuvre de Maurice Leblanc suscite à nouveau un regain d’attention. Déjà en 1992, Patrick Ferté avait défrayé la chronique, en publiant « Arsène Lupin supérieur inconnu », la clé de l’œuvre codée de Maurice Leblanc.
Les méandres du mystérieux sont parfois impénétrables et souvent inattendus. L’attention du public s’est focalisée depuis une quarantaine d’année autour des mystères des villages comme Gisors, Stenay, Rennes-le-Château, etc…, attisée par une littérature féconde, sans avoir la moindre idée de ce qui pouvait se tramer ailleurs.
Au cours d’un premier voyage à Rennes le Château «RLC » en juin 1999, une bonne fortune nous fit acquérir le livre de P. Ferté. Nous devons bien l’avouer dès maintenant; si nous n’avions pas effectué ce déplacement, nous n’aurions sans doute jamais pris autant d’intérêt et de plaisir à investiguer sur la place de Gaillon. Sans cette première étude, notre livre, « Mémoires des deux cités», n’aurait sans doute jamais vu le jour.
De ce fait, nous pouvons dire un grand merci à Mr Ferté qui nous aura Aiguillé, par la lecture de son ouvrage. De nouvelles possibilités se sont offertes à nous dès qu’il eut réussi dans son « Arsène Lupin, Supérieur Inconnu » à faire la lumière sur la face occultée de la Chartreuse de Bourbon-lèz-Gaillon. En passant au peigne fin les romans de Maurice Leblanc, entre autres «L’aiguille creuse », « Dorothée danseuse de cordes», « la demeure mystérieuse », « 813 » ou « l’île aux trente cercueils», un faisceau d’indices jailli, aussi troublant que déconcertant.
Mais que venait donc faire Gaillon dans cette galère? On aurait peine à se le demander quand P. Ferté titrait dans son livre «de Gaillon à Rennes» (RLC) ou « Gaillon, clé secrète du triangle d’or »; la clé d’un coffre, enveloppée dans un voile de mystère jetée dans un puits situé au fond d’un parc.

Aux quatre coins cardinaux

Dans cette première partie de « Mémoire des deux cités », si nous avons choisi de raconter l’histoire de Gaillon sans aborder directement l’affaire RLC, c’est pour permettre au lecteur de ne pas se perdre en conjecture en lui apportant une base historique solide et vérifiable quand il s’attaquera à la lecture du second volume. Ce que nous avons découvert au cours de notre enquête est si stupéfiant que cela imposait une rigueur sans équivoque.

Msg Henri Marie Gaston de Bonnechose, archevêque de Carcassonne de 1848 à 1858 puis archevêque de Rouen de 1858 à 1888.Notre objectif premier fut tout d’abord de contrôler les affirmations de P. Ferté. Celui-ci avait écrit qu’un grand nombre d’archevêques de Rouen avaient séjourné entre Normandie et Languedoc-Roussillon. Après vérification, il s’avère en effet qu’environ 70% des archevêques de Rouen ont fait la navette entre le Midi de la France et Rouen; cela depuis 1262 jusqu’à l’accession au siège archiépiscopal rouennais de Msg de Bonnechose en 1858.
Cette affaire porte l’empreinte indélébile des cathares et des templiers; 1262 marque la fin de la croisade albigeoise. Avant cette date nous ne constatons aucune mutation de postes archiépiscopaux entre la Normandie et le Midi. Puis tout change. Pendant 500 ans, Gaillon et son château restèrent entre les mains des archevêques de Rouen. 37 prélats se succédèrent sur le trône archiépiscopal rouennais jusqu’à la Révolution de 1789. Msg de Bonnechose fait exception; c’est l’exception qui confirme la règle. Ces 37 archevêques se répartissaient en 29 familles. De ces 29 familles, 21 ont eu un ecclésiastique en Normandie et en Languedoc. Mémoires des deux cités (T1) se centralisera donc sur la partie historique de la ville de Gaillon, avant de découvrir tout le mystère qui l’entoure et ses liens avec Rennes-le-Château, Rennes-les-Bains.
Pour ne citer que quelques archevêques, voyez les biographies du Cardinal François de Joyeuse, Charles de Bourbon-Vendôme, George d’Amboise, Guillaume de Flavacourt, Louis d’Harcourt, Bernard de Fargis, Guillaume Aycelin de Montaigu, Guillaume de Durfort. Tous ont parcouru la France de Haut en Bas et de Bas en Haut… pourquoi?
On constate ainsi qu’une coterie de prélats ayant séjourné entre Normandie et Languedoc, des ecclésiastiques affiliés à des sociétés secrètes oeuvrèrent à la dissimulation de secrets. Des structures parallèles encore plus discrètes évoluant dans les milieux religieux et laïcs sont peu à peu mises au jour.

Chartreux & Cie

Etat de la chartreuse de Bourbon-Lèz-Gaillon vers 1831 (collec. J. Mineray) Le décryptage de P. Ferté, par le truchement de la langue des oiseaux, a soulevé un lièvre. Nous nous sommes permis de le rattraper avant qu’il ne nous file entre les doigts. Dès lors, Dorothée danseuse de cordes, nantie d’une médaille, «in robore fortunat», nous introduit dans la Chartreuse de Bourbon-lèz-Gaillon, anti-chambre de la Demeure Mystérieuse. Son élixir de résurrection au goût de chartreuse verte a fait ressurgir certaines vérités que quelques personnes bien attentionnées avaient cru bon de devoir dissimuler… jusqu’au 12 juin 1921 au château de Perillac ou dans un traité de Gaillon… Périlleux !

Médaille de Charles X, roi de la Ligue Dorothé Aubourg, dernier des prieurs de la Chartreuse de Gaillon puis curé d’Aubevoye, fut probablement le dernier détenteur de ces secrets. Sa bibliothèque, sur laquelle nous avons déjà longuement disserté, renfermait les médailles frappées pour le règne éphémère de Charles X (archevêque de Rouen, Cardinal de Bourbon), roi de la Ligue. Elles étaient estampillées du millésime 1592 *A* et de la devise du Cardinal de Bourbon « CHRISTUS REGNAT, VINCIT ET IMPERAT ». Cette sentence ne restera pas indifférente aux exégètes de l’affaire de Rennes-le-Château, car c’est en partie la citation latine gravée autour du calvaire du jardin de l’église.

Calvaire de l'église de Rennes-le-Château


D’autres personnages cités en filigrane dans l’œuvre de M. Leblanc sont venus se réfugier à la Chartreuse de Gaillon: J.F. Marmontel, l’académicien, fuyant la Terreur ; Vigneul-Marville, dit Bonaventure d’Argonne (Nom de Dorothée dans le roman et diseuse de bonne aventure), en disgrâce, se retira à Gaillon. Il avait eu la mauvaise idée de critiquer la compagnie du Saint-Sacrement. C’était un très bon ami de N. Poussin tout comme Jean Lemaire qui fut son bras droit, d'où son surnom. Il fit de nombreux voyages entre Paris et Rome avant de s'établir définitivement à Gaillon. Il finit ses jours en l'année 1659 et fut enterré dans la Chartreuse de Bourbon-lèz-Gaillon dont la construction fut ordonnée par Charles 1er de Bourbon, archevêque de Rouen. Autre connaissance de Poussin ayant séjourné à la Chartreuse: Eustache Lessueur, qui était un de ses élèves et mourut aussi à Gaillon. Lessueur avait peint la série des 22 tableaux représentant la vie de Saint-Bruno, pour la grand Chartreuse de Paris.


Des personnages clés

Le plus étonnant est de retrouver une foule de personnages emblématiques à Gaillon, à RLC ou alentours. Une multitude de personnes fourmillent; Saint Vincent de Paul, Charles Nodier, Alexandre Lenoir et la famille Hautpoul, Msg de Bonnechose, Msg Billard, Viollet-Leduc et même Saint Antoine l’Ermite. Au gré des lectures lupinniennes nous découvrirons, au détour d’une page du triangle d’or, une mention spéciale au journal de Benjamin Franklin, F.°.M « logé » chez les neuf sœurs, dans lequel il fait part de son voyage à Gaillon le 14 juillet 1785 et de sa rencontre avec Msg de la Rochefoucault dont la famille, ne l’oublions pas, possédait la baronnie d’Arques dans l’Aude.
Nicolas Filleul est encore un de ces personnages, faisant le lien entre Gaillon et RLC, soumis à notre perspicacité par M. Leblanc dans la Demeure Mystérieuse ou Jean Joconde (Fra Giocondo) dans l’aiguille creuse.
N. Filleul était un poète normand du XVIème siècle. En 1566, il écrivit les théâtres de Gaillon à la Reine. Dans cette œuvre poétique, certains titres comme l'île heureuse ou la pastorale les ombres sont assez évocateurs du mythe de l'Arcadie, récurant dans l'affaire de RLC. Ces pièces furent jouées dans la Maison Blanche du Parc du Lydieu. Nous y reviendrons.
Le Château de Gaillon a, dans beaucoup de ses aspects, quelque chose de la Joconde. Bien que de nombreux historiens soient en désaccord sur ce point, de nombreuses chroniques gaillonnaises rapportent, dès 1850, que Jean Joconde, moine dominicain, fut l’un des architectes participant à l’édification du château de Gaillon. S’il ne fut sur le terrain, il eut l’occasion de mettre sa touche personnelle au plan du château. Les lignes harmonieuses du château de Gaillon ne sont pas le fruit du hasard ou dues au coup d'oeil juste. Elles naissent nécessairement de la Divine Proportion, pratiquée avec science par Fra Giocondo, Jean Juste de Tour et les autres architectes ayant oeuvré à Gaillon. Il en résulte une approche nouvelle faisant de ce château Renaissance un «Nouveau Temple» plus qu’un Palais de plaisance archiépiscopal.
Le château de Gaillon apparaît comme un de ces châteaux alchimiques, une de ces demeures philosophales (D.M) oubliées de Fulcanelli. Le visiteur profane ne s’attardera pas sur des débris de sculptures étant pour lui dénués de sens. Mais parmi les vestiges architecturaux que nous avons recensé (escargots, feuilles de chêne et glands, coquilles, griffons, roues, vouivre, chat, sirène, lapin, spirales, labyrinthe etc…), la symbolique la plus représentative est gravée dans un bas-relief, autrefois disposé dans la chapelle haute, aujourd’hui exposé au musée du Louvre; Saint Georges terrassant le Dragon. Le langage initiatique des alchimistes défini l’acte de terrasser un dragon ailé comme une manière de maîtriser ou matérialiser une substance ignée, spirituelle ou potentielle. C’est une phase du Grand Œuvre.

La Clé du mystère

Depuis notre retour du pays d’Oc en cet été 1999, nous tentions inexorablement de rattacher les indices exhumés par P. Ferté. Par un beau dimanche ensoleillé, au gré d’une promenade au château de Gaillon, rien ne pouvait présager de ce que nous allions découvrir. Un fabuleux concours de circonstances allait amorcer, pour nous, la plus inconcevable quête. Un commencement de piste se présentait.
Le château était ouvert au public. Une exposition permanente située dans les étages du pavillon d’entrée donnait un aperçu des dispositions primitives du palais Renaissance. Au premier étage, une série de clichés photographiques montrait l’état du château actuel et les restaurations en cours. Plus loin, des plans et des gravures d’époques dessinés par l’architecte Androuet du Cerceau (1572), tapissaient les murailles de pierres.
C’est là, dans le fond de cette pièce que nous trouvions cette gravure représentant un parc, un pavillon et des pièces d’eau. Les créateurs des jardins du château avaient attribué le nom du Lydieu à cet endroit dans lequel avait été construit une Maison Blanche. Ce nom se réfère à un thème abordé dans la seconde églogue des Théâtres de Gaillon à la Reine, de Nicolas Filleul, où deux bergers d’Arcadie, Damis et Mospe, échangent leurs états d’âmes sur la piété et la justice qu’incarnaient, vêtus de blanc, Paris et Apollon. Les effigies des bergers d’Arcadie sur leur piédestal étaient représentées une clé en main.
Les particularités de ce parc allaient nous plonger dans un abîme de trouvailles époustouflantes faisant de nous une machine à explorer le temps et de cette clé, car la forme générale de ce parc était belle et bien une clé avec sa serrure formée par un bassin d’agrément où nageaient des cygnes (comprendre, langue des oiseaux oblige: des signes) : l’objet de toutes nos attentions.
Il y avait bien là des signes de pistes. Il ne tenait qu’à nous de poursuivre nos investigations selon la méthode d’Isidore Beautrelet, étudiant âgé de 17 ans dans l’Aiguille creuse, en fouillant dans les chroniques locales, les recueils, interrogeant les érudits locaux, les amateurs de vieilles légendes et enfin en dénichant la première publication concernant Gaillon : Compte de dépenses de la construction du Château de Gaillon d’Achille Deville, un diable d’homme, membre de l’Académie des Inscriptions et belles-lettres, véritable clone de Mr Massiban/Lupin (historien dans l’Aiguille creuse). Mais l’arrivée de Beautrelet à Gaillon nous réserva bien d’autres surprises.
Cette clé, emblème maçonnique du Maître ou du Trésorier, le Joyau de l’officiant, allait donc nous ouvrir une porte… que dis-je!... LA PORTE; la porte de la Demeure Mystérieuse. Outre le titre d’une des aventures de Maurice Leblanc, la Demeure Mystérieuse était sans conteste le Palais archiépiscopal des archevêques de Rouen, le susnommé Château de Gaillon.

©Le Mercure de Gaillon, Thierry Garnier – 17 Janvier 2005
Tous droits réservés.

www.lemercuredegaillon.net

Cet article est une présentation de l’ouvrage de Thierry Garnier, Mémoires des Deux Cités : Tome 1 et un avant goût du Tome 2. Le tome 1 est en vente sur son site Internet, dont l’adresse figure ci-dessous :
http://www.lemercuredegaillon.net

Il est également possible de le commander par courrier chez l’auteur, à l’adresse ci-dessous :
Thierry Garnier
41, rue Jacques Prévert
27600 Gaillon

Mémoires des deux cités, T1- Gaillon historique – prix 22 € (+ 2,80 € de frais de port):
Après le faste de l’ancien régime, Gaillon, domaine ecclésiastique dès 1262, s’est lentement endormi dans l’indifférence la plus totale à partir de 1790.
Recouvrer l’histoire oubliée d’une cité millénaire, c’est un peu comme mener une enquête policière digne d’un Maurice Leblanc. Arsène Lupin n’est pas loin! Sans cambrioler l’histoire de France mais en forçant quelques portes munies de clés cabalistiques, Gaillon passe à nouveau de l’ombre à la lumière.
Dans Mémoires des Deux Cités nous vous proposons de participer à un voyage non seulement Historique, mais aussi Mystique et Hermétique, au cœur du pays de Madrie, menant jusqu’aux confins du Midi de la France: un parcours initiatique vers un Chemin Doré.
Ce premier récit relate la trame historique connue de notre ville. Préparez-vous pour un second périple plein de surprises et d’inattendus. L'histoire de Gaillon, telle que ses habitants l'ont apprise, restait jusqu’à ce jour incomplète. Pour les autres, ils la découvriront.



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